vendredi 3 septembre 2010

Entre filles: Episode24: Des retrouvailles

Publié par bella_ragatsa à 08:14 6 commentaires

- Tu n’es pas un homme !
- Fais attention à ce que tu dis ! et rajouta furieux, je t’ai toujours respecté à cause du lien de parenté qui nous unissait !
Voilà, c’était la fameuse dispute qui s’est déclenchée entre mon papa et ma grand-mère, suite à mon retour forcé à Sousse, l’après midi du scandale qu’elle m’a faite sur le lieu de mon travail.
Elle n’a cessé de m’insulter tout le trajet et surtout d’insulter mon père.D’ailleurs, une heure tout juste après notre arrivée à sa villa de Bouhsina, elle l’a appelé , lui demandant de venir d’urgence comme si quelque chose de grave s’est produite, dont la résolution exigeait la présence de plusieurs personnes.
Cet incident si grave, était bien sur , mon travail. J’étais jeune aux yeux de ma mamie, très jeune même, un bébé dépendant, comme sa fille qui n’a jamais quitté l’adolescence.
Pour elle, tant que j’étudiais, c’était le devoir de mon père de subvenir à mes besoins. Elle aurait cru peut être qu’il ne me donnait pas assez d’argent pour mener une vie d’aisance et de confort, une vie qui correspondait à ma classe sociale.
Pour elle, un enfant de bourgeois, ne devrait bosser qu’en tant que chef de sois même, c’est quelqu’un d’important, avec plein de responsabilités et beaucoup de subordonnées à sa disposition.
Mais être vendeuse dans une boutique, au service des autres, ça c’était impardonnable, une insulte à sa dignité et à son égo. Personnellement, ça me gênait pas d’être au service d’autrui, mais pour elle c’était la fin du monde.
Quand elle l’a appelé, elle ne cessait de crier, comme si un malheur avait surgi. Mon pauvre papa, avait tout laissé et est venu en courant lorsqu’il a appris qu’il s’agissait de moi.
C’était vers 20h. J’étais assise sur un sofa au grand salon, très tendue sous les regards méchants et sacripants de ma grand-mère, debout à quelques centimètres de moi, comme si elle craignait que je prenne la fuite.
A trois pas sur une pouffe, devant l’écran mon frère, était scotché, les mains tenant une manette de sa console de jeu. Très concentré, il n’a même pas fait attention à ma présence et n’a pas pris la peine de ma saluer, même par un simple sourire, pourtant, on s’est pas vu depuis trois mois au moins.
Quant à ma sœur, qui n’avait que 8 ans, elle se tenait debout prés d’une plante de décoration que ma grand-mère, a reçue comme cadeau de l’un de ses amis qui est parti en voyage pour le Mexique très récemment, un Philodendron mandianum, je crois. Elle caressait les feuilles, tendrement, comme si elle caressait les cheveux d’une poupée. En fait, ma sœur, était un peu bizarre, elle ne jouait pas avec les poupées ni avec les voitures des garçons, mais elle adorait les plantes. Elle leurs parlait même.
Elle avait une imagination tellement débordante, qu’elle crut que les plantes et les arbres de la villa lui parlaient le soir quand tout le monde s’en dort.
C’était un sujet qui a toujours inquiété ma grand-mère, puisqu’elle s’est chargée de l’éducation de Lina dés sa venue au monde. C’était d’ailleurs, la seule de nous trois, qui a vécu à plein temps avec mamie, et n’était pas très affectée par le divorce de mes parents, puisqu’elle considérait mamie comme sa mère et son père à la fois. Elle l’emmenait d’un pédiatre à l’autre, et même parfois à des psychiatres. Elle craignait que sa petite fille soit atteinte d’une sorte de démence que son médecin traiteur n’a pas détectée à sa naissance.
Mais la conclusion tirée par tous ceux qui l’ont examiné, ce que c’est dû à son isolement puisque ma grand-mère, avait décidé dés son jeune âge de ne pas l’inscrire à un jardin d’enfant, mais à la manière des aristocrates, de lui payer un professeur qui vient quotidiennement lui apprendre les bonnes manières, et les langues. Elle maitrisait d’ailleurs le français plus que l’arabe. C’était la volonté de ma mamie, qui adorait la langue de Molière et qui la considérait comme un symbole d’appartenance à la hight society.
Et elle l’a inscrite comme nous trois, à l’école des sœurs, une école prestigieuse, pour les enfants de familles bourgeoises.
- Maman, regarde, elle a bougé ses feuilles !
Mamie, la regarda du coin de l’œil tout en gardant l’autre sur moi et dit doucement.
- C’est dû au courant d’air ma chérie !
Puis on entendit le claquement de la porte principale et je voyais papa, avancer à pas lourdes, comme ayant peur d’entendre une mauvaise nouvelle.
Dès qu’elle l’aperçût, elle me libéra de son regard venimeux et le dirigea vers mon pauvre papa.
Sans un bonsoir de sa part, elle l’attaqua directement, si violemment comme d’habitude. Elle l’avait écorché vif, avec ses paroles, ses préjugés moraux.
Et ce que je trouvais bizarre , ce que mon père ne prenait pas sa défense. Il la laissait l’insulter, l’indigner sans vraiment riposter, même pas une crise de colère.
Il lui était peut être reconnaissant, puisqu’elle se chargeait de l’éducation de sa petite fille, mais ce n’était pas une raison pour se laisser maltraiter et humilier ainsi.
- Qu’a-t-il de si urgent ? puis en me dévorant d’un regard à la fois doux et inquiet, cava ma puce ?
En hochant la tête pour dire oui, je murmurai.
- Oui, cava !
Comme soulagé, mon père sortit sa pipe, la seule habitude qu’il a gardée de son ancien statut de businessman, et de l’autre main saisissait le briquet mais ma grand-mère l’arrêta sur le champ.
- Tu fais quoi, là ?
En levant les sourcils de stupéfaction.
- A ton avis ?
- Ne réponds pas à ma question par une autre ! s’écria-t-elle en colère, puis en lui arrachant la pipe avec férocité. Dans ma maison, on ne fume pas !
Puis en me pointant par le doigt comme un condamné à mort.
- Ta chère fille bosse en tant que vendeuse, tu te rends compte ?
Mon père s’assit sur un fauteuil, et dit calmement.
- C’est bien, qu’elle prenne de la responsabilité…
- Pardon ? hurla-t-elle furieuse. Je t’ai dit une vendeuse !
- Et alors ? c’est un travail comme les autres.
Énervée par la froideur de mon père, elle continua.
- Mais tu n’as pas honte de toi ? t’es son père, tu dois travailler pour subvenir à ses besoins mais pas la laisser bosser, elle est si jeune !
Et là, j’intervenais prenant la défense de mon papa.
- Mamie, ce n’est pas pour l’argent que je bosse, c’est juste que…
- Ferme-la ! me lança-t-elle, quand les grands parlent, les jeunes se taisent !
Mon père, intervenait pour la première fois en haussant la voix.
- Ne parle pas comme ça à ma fille !
- Non, c’est ma fille à moi, tu l’as peut être conçue, mais c’est moi qui l’a éduquée.
Et là, on entendit la musique de la perte et une voix ressemblant à celle d’un robot, dire « Game over »émanant de la télé. Là, mon frère, jusqu’à là silencieux, dans son monde à lui, revenait quelques instants avec nous en boudant.
- Merrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrdeuuuuuu ! et en se levant de sa pouffe ! mais vous ne pouvez pas aller discuter ailleurs ? vous me déconcentrez !
Mon père souriait et lui adressa la parole.
- Salut fiston cava ?
Bayram, le regarda du coin de l’œil, et murmura à contre cœur.
- Oui, cava ! et en parlant à mamie, vous ne pouvez pas aller continuer vos discussions byzantines dans une autre pièce ?
Ma grand-mère, ne voulant pas se disputer avec lui aussi.
- Va jouer avec ta console dans ta chambre !
- Non, l’écran de ma télé est petit, et j’aimerai jouer sur celui là ! et insolemment, alors si vous voulez, allez vous disputer dans ma chambre ou dans le jardin !
- Merci pour ta générosité, fiston ! s’écria mon père, en badinant.
Et ma petite sœur aussi, tira le bout de la robe ample de ma grand-mère, en criant de sa voix capricieuse.
- Shuuuuuuuuuuuut Loulou veut dormir !
- C’est qui Loulou ?
- Voyons, maman ! dit-elle en pointant la plante avec son doigt.
Les yeux brulant de colère, mamie hurla.
- Lina, va dans ta chambre !
Et quelques instants après, la porte principale de la villa s’ouvrit et le bruit des talons de ma mère s’approcha de nous. Mamie coulait un regard furieux dans sa direction et la gronda.
- Enfin, t’es de retour !
Sans même s’arrêter, et en mettant le pied sur la première marche de l’escalier.
- On parlera demain man, je suis pressée.
- Pardon ? et en laissant mon père prendre son souffle quelques secondes, tu n’as pas vu qui est ici ?
Ma mère, jeta un coup d’œil sur sa belle montre en or, et en tournant la tête vers nous, l’expression de son visage changea.
- Putain, man, qu’est ce que cet homme fait ici ?
- Cet homme ? se demanda mon père stupéfait, puis en riant, ah c’est bien, tu ne sais plus mon nom maintenant.
Ma mère, faisant semblant de ne pas l’entendre monta encore deux marches, mais ma grand-mère l’arrêta en criant.
- Mais où vas-tu ? tu viens de rentrer.
Ma mère, poussa un siffle, et en fouillant son sac à la recherche de son GSM.
- Je vais sortir avec Ahmed, on va on boite !
- Mais t’étais avec lui l’après midi ?
- Oui, mais on a décidé d’aller en boite, donc je vais me changer pour ça !
En en croisant mon regard.
- Ah, Yasmine ? t’es là ?
- Oui, man ! dis-je en traçant un faux sourire.
- Cava les études ? puis en montant le reste des marches rapidement, écoute si t’as besoin d’argent ou de quoi que ce soit, on en parlera demain, puis en en m’envoyant un bisou avec la main, reste sage, eh !
Puis disparait dans sa chambre de premier étage. Mon père croisa ses bras, un moment, puis se leva du fauteuil, en disant d’un ton sérieux.
- Et ben, ma chère belle-mère, je crois que tu feras mieux de remédier à l’éducation de ta propre fille avant de t’occuper de celle de mes enfants !
Et en s’approchant de moi, tout en me collant une douce bise sur le front.
- Je suis fier toi, ma chérie ! tu peux travailler comme vendeuse ou même comme une danseuse, moi ça ne me gène pas !
Puis serra ma petite sœur contre lui et parla à mon frère.
- Bonne nuit, Bayram !
Mon frère, ne faisait pas l’effort de tourner sa tête et leva juste sa main pour le saluer.
Mon père, le regarda un peu d’un air triste puis traça un petit sourire pour énerver ma grand-mère, qui n’aimait rien en lui, et quitta la villa en claquant fortement la porte.
- Même sa façon de fermer la porte prouve qu’il manque de délicatesse !
Puis en suivant mon regard qui ne traduisait aucune réaction.
- Qu’est ce que tu regardes eh ? à ta chambre tout de suite !
Voilà, une petite idée de la belle ambiance familiale pilotée par la maestro ma grand-mère. Vers22h pile, le calme absolu avait régné dans la demeure. Mamie était dans sa chambre et moi dans la tienne que je partageais avec ma petite sœur.
Je n’avais pas du sommeil, je ne faisais que l’observer dormir comme un bébé et parler pendant son sommeil parfois. Et j’étais décidée à quitter la maison de bonne heure avant que ma grand- mère se réveille et qu’elle me fera une nouvelle leçon de morale à l’ancienne.
Vers 5H du matin, je fuguai de la maison en direction de la station des louages. Le soleil se cachait encore entre les nuages, et un vend froid mais léger jouait tout le trajet avec mes cheveux.
Une fois dans un louage pour Tunis, je mis mes lunettes de soleil sur les yeux, et je m’allongeais légèrement sur mon siège arrière prés de la vitre droite. Un petit quart d’heure après, le chauffeur démarra la voiture, qui fonça dans l’asphalte à toute vitesse, en sautant parfois à cause des multiples crevasses dans la route.
Avant d’entamer l’autoroute, je fermai les yeux en espérant dormir un peu pour me reposer, mais à peine endormie, je fus réveillée par le bruit assourdissant de la cassure de pare brise. La voiture se mettait à déraper sur la route, puis le désagréable son du freinage de la voiture qui s’arrêta brusquement sur la piste me faisait accélérer les battements de cœur.
En ouvrant les yeux, affolée et le visage pâle du choc, je voyais une énorme pierre sur le pare brise, carrément brisé, et les fragments de la pierre étalés sur le capot de la voiture. Et puis en enlevant mes lunettes, je voyais la voiture encerclée par trois mobylettes. L’un des hommes, le visage découvert, sauta de sa mobylette et en menaçant le chauffeur avec un grand couteau.
- Donne-moi les clés de la voiture !

Et l’un des quatre bandits qui l’accompagnait, s’approcha de ma vitre semi ouverte, et se pencha par-dessus la portière, en dévisageant nos visages pâles de peur, puis dit en traçant un méchant sourire quand il remarquait qu’il n’y avait que des femmes à l’arrière de la voiture.
- Alors mesdames et mesdemoiselles, vous n’avez pas quelque chose à m’offrir ce beau matin ?
Et en admirant mon collier qui brillait sous les rayons de soleil infiltrés timidement à travers les nuages, il dégaina son couteau en disant.
- Alors tu me le donnes gentiment ou je le prends à ma manière ?
 

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